Sur Dicophilo, j’ai admis qu’un terme pouvait avoir des sous-significations. Prenons la définition de “cause” par exemple. On peut la découper en un sens général, principal, noté (1), et 2 sous-sens plus spécifiques (a et b).
(1) Ce qui produit une chose ou le comportement qu’elle présente ; (a) Antécédent nécessaire d’un phénomène qui le produit ; (b) Raison d’une action, motif.
Dans cette définition, (a) et (b) sont des sous-significations, ou sous-sens. Une cause (a) est différente d’une cause (b), mais toutes les deux peuvent être définies par une définition plus englobante.
La définition (1) subsume les 2 autres. Mais il n’est pas clair qu’elle soit légitime. C’est toute la question ici. Cette définition englobante dissout la distinction entre les 2 “sous-sens”. Elle ne permet pas de distinguer les causes (a) des causes (b).
En quoi est-elle utile ? En quoi est-elle une définition ? Elle semble violer la condition de caractéricité des définitions, c’est à dire qu’elle ne convient pas uniquement à l’objet défini.
[la définition] convient à tout le défini et rien qu’au défini.
Mais on pourrait dire que si, cette définition globale convient à tout le défini et rien à qu’à lui. Elle permet de distinguer une cause d’autre chose. Elle ne permet pas de distinguer 2 causes de types différentes. Il n’y a pas de problème. La définition de “félin” permet de distinguer les félins des singes, mais pas les félins entre eux. Normal.
Pourtant cette histoire de définition multi-englobante me chiffonne. Cette “définition avec sous-sens” m’apparaît comme le fantôme du fantasme de la définition unique. On ne renonce pas à la définition unique. On l’exprime, puis on la subdivise. Certes, on n’a pas une super-définition, mais on n’a pas renoncé aux super-définitions en général.
Ça m’ennuie d’autant plus qu’on lit un sous-texte hiérarchique. Il y a la signification “principale”, la “mère”, la plus générale, et les sous-significations, qui héritent du sens principal et lui sont rattachées.
On pourrait tout aussi bien penser les sous-significations comme des signification indépendantes, n’ayant aucun lien intrinsèque entre elles. C’est ce que fait le Wiktionnaire, qui ne reconnaît pas cette idée de “sous-sens”.
Faut-il les conserver ?
Étonnamment, ma réponse est oui. Sur Dicophilo, elles ont leur place. Pas sur le Wiktionnaire ou ailleurs. Dicophilo sert pour des dissertations et des devoirs. Dans ce contexte, ces saletés englobantes ont une utilité.
Elles permettent de jouer sur les mots, de préciser sa pensée, et de ne pas rejeter en bloc l’exercice de la dissertation. Car sans l’horizon d’une définition unique, l’exercice de la dissert perd peut-être son sens.
Ultimement, ces définitions à sous-sens n’ont pas de légitimité. Mais j’ai dû les construire pendant la prépa agreg, parce que je savais qu’il fallait une définition d’introduction. Une définition courte, incontestable, passe-partout, qui permettrait d’entamer l’analyse pour faire apparaître les “vraies” définitions.
Leur existence s’explique par les contraintes de l’exercice et de la tradition philosophique qui l’impose. Mais intellectuellement, j’y crois plus un instant.