Le contrat racise l’espace : il délimite les espaces civils et sauvages
Le contrat racial norme l’espace (p. 83) : il sépare d’un coté la civilisation (l’espace européen Blanc) et de l’autre l’espace sauvage (celui non-Européen et non-Blanc). L’Europe devient alors moins une région du monde particulière qu’un processus planétaire (p. 86).
Cette normalisation s’appuie sur notamment sur l’épistémologie. La vraie connaissance vient d’Europe, et toutes les preuves de l’inverse sont ignorées (p. 86–87). Ça peut passer par la destruction de toutes les traces d’une civilisation non-Européenne (qu’on pourra ensuite dire primitive)… Ou par l’invention d’explications extérieures à leurs réalisations (“Les extra-terrestres ont fait les pyramides”).
Le contrat racial fait de l’espace des non-Blancs un espace sauvage, vierge, qu’on refuse d’imaginer peuplé (p. 92–93). Les Européens évaluent à la baisse les populations d’autochtones, car les “sauvages” ne peuvent pas être nombreux… Cette vision facilite l’extermination des peuples autochtones : d’abord, il n’y a personne ici ; enfin, ils ne sont pas nombreux ; et, oups, ils sont tous morts (p. 94).
L’espace est lié à la race, et la race est liée au statut des personnes. L’espace politique n’est pas l’espace géographique : les obligations de l’État s’arrêtent à la frontière des quartiers Blancs (p. 94–95). La ségrégation est un véritable enjeu : il y a des lieux réservés aux Blancs, des façons de les traverser et d’y interagir pour les non-Blancs.
Le processus de racisation de l’espace est conjoint à celui de l’individu, et on peut difficilement les séparer. Mills aborde donc immédiatement ce deuxième aspect.
Le contrat racise l’individu : il crée le statut de personne et de sous-personne
La catégorie de race va remplacer la division précédente entre chrétiens et païens pour légitimer l’esclavage (p. 99–100). Avec la division précédente, la conversion permettait d’échapper au statut d’inférieur. Avec la race, ce statut devient permanent.
Une équivalence se met en place entre être une personne et être Blanc. La morale moderne parle de personne en veux-tu en voilà, mais seuls les Blancs peuvent considérer que le statut de personne leur est acquis (p. 100). Les sous-personnes sont :
des entités humanoïdes qui, en raison de leur phénotype/généalogie/culture racial(e), ne sont pas pleinement humaines et de voient accorder un régime différent et inférieur de droits et libertés (p. 102).
Le racisme n’est donc pas une déviation, c’est la norme. La suprématie blanche n’est pas un accident de parcours : c’est l’idéal auxquels aspiraient les Blancs qui ont mis en place ce système politique. Mills dit à ce titre que “noir américain” est un oxymore : être américain, c’est d’abord être Blanc.
Cette racisation des individus a une dimension cognitive (p. 105). Les sous personnes sont jugées incapables d’être rationnelles, proches des animaux. La rationalité est réservée au personnes. Si parfois les Blancs admettent qu’on peut écouter la voix d’un non-Blanc, ça reste eux qui décident des règles. La cognition blanche détermine dans quelles conditions la cognition non-blanche est légitime, écoutable (p. 107).
D’un point de vue conceptuel, on sépare les jugements moraux et les jugements esthétiques. Mais dans la vie courante, on tend à les confondre : le héros est à la fois beau et bon. Le racisme a donc des conséquences sur les normes esthétiques (p. 107). Les personnes non-Blanches sont jugées moins belles, moins désirables.
Le contrat racial sous-tend le contrat social moderne et il est continuellement réécrit
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