Écrire au masculin dépréciatif : usage et limite

J’écris depuis plu­sieurs années au mas­cu­lin dépré­cia­tif. Le prin­cipe : écrire en uti­li­sant un lan­gage épi­cène (ou inclu­sif), sauf quand on veut expri­mer la désap­pro­ba­tion. C’est une variante du lan­gage inclu­sif qui incor­pore une dose de misandrie.

Exemple :

Celles et ceux qui en paient les coûts humains, envi­ron­ne­men­taux et sani­taires du gas­pillage ne sont pas ceux qui gaspillent.

Ici les vic­times du gas­pillage sont dési­gnées avec une double flexion pour repré­sen­ter la diver­si­té de genre des per­sonnes concer­nées. À l’in­verse, ceux qui causent du tort aux autres sont au mas­cu­lin, parce qu’on sait qu’en vrai, c’est mas­si­ve­ment des hommes.

Jusqu’ici, tout allait bien. Le mas­cu­lin dépré­cia­tif per­met­tait de jon­gler avec les doubles flexions et les for­mules épi­cènes (per­sonnes), tout en mini­mi­sant les néo­lo­gismes rares (cel­leux) et les point médians (pro­blé­ma­tiques).

C’est même plus simple d’é­crire comme ça : dans tous les contextes où je galère avec l’in­clu­si­vi­té et le plu­riel, je peux aus­si déci­der que je parle de connards et que ça sera gen­ré au masculin.

Exemple :

Les macro­nistes, les LR et les RN sont tous des gros cons.

Le mas­cu­lin dépré­cia­tif est un outil pour dési­gner des groupes de per­sonnes. L’idée n’est pas de gen­rer au mas­cu­lin les femmes qu’on n’aime pas (Margaret Thatcher, Yaël Braun-Pivet, etc.). Ne faites pas ça.

La limite du truc

Il y a des sujets où les hommes ne sont pas le pro­blème (si, je jure). Enfin plu­tôt, il y a des sujets où les femmes font aus­si par­tie du pro­blème. Je pense à la supré­ma­tie blanche. Dans ces contextes, uti­li­ser un mas­cu­lin dépré­cia­tif gomme la res­pon­sa­bi­li­té par­ta­gée des membres du groupe. 

Je pré­pare une fiche de lec­ture sur La domi­na­tion blanche. Dans leur livre, les autrices uti­lisent mas­si­ve­ment le point médian : elles parlent de “blanc·hes” et “non-blanc·hes” très, très, très sou­vent. Dans mon billet pour le web, je tente de sup­pri­mer ces points médians autant que possible.

Mais si je conver­tis toutes ces for­mules au mas­cu­lin dépré­cia­tif, la par­ti­ci­pa­tion des femmes blanches à la domi­na­tion raciale va s’ef­fa­cer com­plè­te­ment de mon texte. Ça ne marche pas. Au lieu d’a­jou­ter une fine couche de sous-texte, ça enlève quelque chose.

Bref, écrire au mas­cu­lin dépré­cia­tif, c’est drôle, mais là je me suis pris un mur. Probablement, aus­si, parce que je tente d’ar­ti­cu­ler ques­tions de genre (lan­gage épi­cène) et ques­tion de vali­disme (lan­gage clair, point médian) direc­te­ment dans mon écriture. 

Alors que le lan­gage ne fait pas tout. Même si on peut lui faire faire n’im­porte quoi.

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