Le principe de Coffin

Dans son livre Le génie les­bien (2020), Alice Coffin dit qu’elle essaie de ne plus lire de livres d’hommes1. Dans le texte, c’est un moyen tem­po­raire de se pré­ser­ver2. J’aime bien appe­ler ça le prin­cipe de Coffin. Récemment j’ai com­pris qu’il allait plus loin que ce que je pensais.

Coffin parle de l’ef­fet sur soi. En arrê­tant de lire des hommes, elle évite de pen­ser comme eux, de par­ta­ger leur ima­gi­naire sexiste. Elle dimi­nue l’in­fluence de la domi­na­tion sur elle-même, comme on arrête de s’ex­po­ser à de la pro­pa­gande (assez littéralement).

En le met­tant en pra­tique, je constate qu’il y a aus­si un effet sur les autres. Les films, les livres, les musiques sont au centre de nos conver­sa­tions. Si je vois plus d’œuvres de femmes, je parle de plus d’œuvres de femmes. Mécaniquement, je visi­bi­lise plus d’œuvres de femmes.

Rejeter les œuvres pro­duites par des hommes, c’est à la fois chan­ger son ima­gi­naire et ce qui ali­mente nos conver­sa­tions. Ça change ce qu’on donne envie de voir, lire, ou écou­ter aux autres.

Même sans par­ler de sa démarche, même sans men­tion­ner le fait que l’œuvre soit faite par une femme, ça a un effet social, pas juste per­son­nel. Mais bien sûr, on peut aus­si par­ler de sa démarche et citer les autrices.

Mise-à-jour :

Sur Mastodon, CorineO témoigne en plus un effet éco­no­mique. Demander plus d’œuvres de femmes change l’offre dans les com­merces, ce qu’ils pro­posent et mettent en avant (en librai­rie, etc.). J’ajoute que ça un effet éco­no­mique sur les autrices, qui peuvent prou­ver à leurs édi­teu­rices, pro­duc­teu­rices, etc. qu’il y a un mar­ché pour leurs œuvres.

Note

  1. “Il ne suf­fit pas de nous entrai­der [entre femmes], il faut, à notre tour, éli­mi­ner [les hommes]. Les éli­mi­ner de nos esprits, de nos images, de nos repré­sen­ta­tions. Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques. J’essaie, du moins.” (Chapitre 2) ↩︎
  2. “Les pro­duc­tions des hommes sont le pro­lon­ge­ment d’un sys­tème de domi­na­tion. Elles sont le sys­tème. L’art est une exten­sion de l’imaginaire mas­cu­lin. Ils ont déjà infes­té mon esprit. Je me pré­serve en les évi­tant. Commençons ain­si. Plus tard, ils pour­ront reve­nir”. (Chapitre 2) ↩︎

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