L’été dernier, j’ai réalisé que j’avais fait 15 des cinémas indépendants de Paris. Soit presque la moitié des salles indés de la ville. Alors pourquoi pas les faire toutes ? J’ai testé pour vous. Plongée dans les salles obscures parisiennes.
Paris est la ville avec le plus de cinémas au monde (lien en anglais), c’est la ville la plus filmée au cinéma, et le cinéma qui fait le plus d’entrées au monde est à Paris (c’est le UCG les Halles). Sans surprise, on a aussi un grand nombre de cinémas indépendants.
Dans cet article, je ne parle pas de tous. Je présente surtout le contexte des cinés indés, mon bilan personnel après avoir fait les plupart des salles, et je parle de mes coups de cœurs.
Le contexte des cinémas parisiens
À Paris, on a 3 grands de distributeurs : UGC (12 salles), Pathé (11 salles) et MK2 (8 salles). Assez méconnu des parisiens et parisiennes, le réseau CGR cinéma est quand même présent, avec une salle à la Porte des Lilas. Quand je parle de cinéma indépendant, je pense à tous les cinémas qui n’appartiennent pas à un de ces réseaux.
Personnellement, j’en compte 39 en 2023. J’inclus tous les cinémas qui ont un site web à part, qui sont ouverts au public, et qui ne sont pas des institutions avec un objectif plus large. J’exclus donc l’excellent Forum des Images (géré par la ville de Paris) et la Cinémathèque.
Je ne compte pas non plus le Silencio des Prés, qui est devenu le club privé de David Lynch. Il n’est plus accessible qu’aux membres validés par le club (1 200 € l’adhésion annuelle), même s’il appartenait encore au réseau des cinémas indépendants jusqu’en 2022.
Sur ces 39 salles, une trentaine adhère à l’association Cinémas Indépendants Parisien (CIP). L’asso leur permet de mutualiser leurs forces. Elle promeut notamment une carte “CIP” avec des places valables dans leur réseau (et un peu au-delà). Pour des raisons obscures, l’asso à deux sites web : un pour se présenter (cinemasindependantsparisiens.fr) et un pour voir la programmation des salles du réseau (cip-paris.fr/).
Mais le réseau CIP n’est pas le seul. Il existe aussi des mini-réseaux de 2 à 5 cinémas, qui regroupent des salles indépendantes associées entre elles (ou possédées par le même groupe). Je pense aux cinémas Dulac (5 salles), au Club Multiciné (3 salles), aux deux “Chaplin” et aux deux salles du “Paris Cinéma Club”.
À tout ça s’ajoute des cinémas hors de tout réseau : la Filmothèque du quartier latin, le Mac Mahon, le Bretagne (qui n’a pas de site web) et l’Espace Saint-Michel. J’inclus aussi dans cette liste le 7 Batignolles. Il est référencé sur le site de Pathé depuis peu, mais il reste indé selon Salles-cinema.com (la bible des salles actuelles ou disparues).
À de rares exceptions, tout ce petit monde accepte au moins une carte illimitée (UGC ou Pathé), souvent les deux. La carte CIP permet d’accéder aux cinémas du réseau CIP, mais il n’est pas rare que certains cinémas hors réseau l’acceptent quand même.
Mon bilan (et mes découvertes)
Les cinémas indépendants sont franchement bien équipés, propres et ont une bonne programmation. C’était pas évident au départ. Beaucoup des salles que j’ai croisées avaient été refaites récemment et étaient franchement agréables. Je pense au Christine Cinéma Club ou aux 7 Parnassiens que j’ai particulièrement aimé.
J’ai découvert que tout ne passait pas dans tous les cinémas. Certains films ne passent pas du tout dans le réseau indépendant. Notamment quand UGC, MK2 ou Pathé ont participé à la production. À l’inverse, certaines petites sorties ou ressorties ne passent que dans le réseau indépendant. Pour ne rien rater, je mise sur l’Officiel des spectacles, qui agrège les infos de tous les réseaux à la fois.
Plus subtil, j’ai fini par comprendre que certains cinémas avaient une ligne éditoriale plus ou moins affichée. Il y a ceux qui passent Vaincre ou Mourir (le film de propagande de droite du Puy du Fou)… et ceux comme l’Archipel, où la prog’ témoigne d’un intérêt net pour le féminisme.
J’ai aussi vu beaucoup de cinémas indés travailler sur l’accessibilité aux personnes en situation de handicap. Le Brady me vient à l’esprit pour l’audiodescription, mais c’est loin d’être le seul à proposer des dispositifs adaptés, voire des séances spéciales pour les personnes handis. Si ces sujets vous intéressent, La Manie du Cinéma a fait une vidéo sur l’expérience du cinéma des personnes aveugles et d’autres sur le handicap.
Coté programmation, les cinés indépendants sont un excellent témoin de la qualité des sorties. Un bon film reste souvent longtemps à l’affiche dans le circuit indépendant. Les salles peuvent le maintenir à un rythme moins soutenu, mais continuer de le diffuser. Quand je pense avoir raté un film, je vérifie d’abord qu’il n’y a pas une séance qui reste, une fois par semaine, quelque part dans un ciné indé.
Enfin si on s’éloigne des sorties, les indépendants sont LE lieu où voir des classiques au cinéma, toute l’année. Films restaurés, rétrospectives, cycles thématiques, hommages : les distributeurs indépendants ont leurs propres logiques de diffusion. On peut y voir des propositions différentes… Ou simplement des ressorties populaires qui collent avec une actualité.
Avec un léger bémol : il faut parfois suivre l’actualité d’un cinéma donné pour vraiment savoir ce qu’il passe. Les ciné-clubs thématiques par exemple, passent complètement sous les radars si on ne regarde pas de près ce que fait un cinéma ou l’organisateurice du club.
Oui, parce qu’il y a des ciné-clubs. C’est-à-dire des projections spéciales, régulières, qui permettent de voir un film et d’en discuter avec la salle. Le modèle étant : présentation du film, visionnage, discussion. Ce genre de format s’est un peu développé chez MK2 récemment… Mais c’est toujours plus sympa en petite salle (ou au Forum des Images).
Mes cinémas coup de cœur
J’aime sortir, et j’ai donc une affection particulière pour les cinémas qui sont directement rattachés à un bar. Mais j’ai encore plus d’affection pour les 3 cinémas qui ont un bar caché, invisible depuis la rue : le Cinéma des cinéastes (bistrot à l’étage), le Cinéma du Panthéon (salon au-dessus de la salle) et le Studio 28 (café et terrasse au bout d’un couloir).
J’ai aussi un faible pour des cinémas qui osent des propositions inattendues. Je pense au Studio des Ursulines, un cinéma dédié à l’animation pour enfant. Ou au Chaplin Saint Lambert, un vrai ciné de quartier qui multiplie les initiatives… Mention spéciale pour leur programme où on mange dans la salle à la pause déjeuner, tout en regardant des courts métrages.
Il y a aussi les cinémas patrimoniaux, où on va pour le décor en plus du film. Le Louxor, qui est littéralement classé monument historique. Le Grand Rex, avec sa salle principale et l’écran Grand large. Les lustres faits par Cocteau du Studio 28. Ou encore les salles biscornues mais charmantes de la Filmothèque.
Coté biscornu, il faut parler du Lucernaire, au fond de sa grotte et avec ce qui ressemble franchement à des tunnels de nains (dont un sort dans le café si je ne m’abuse). Et aussi le Saint André des Arts, deux cinémas qui ont été reliés entre eux après-coup, et qui ont donc deux entrées à une rue d’écart… Le charme étant qu’on peut traverser tout le complexe de l’intérieur, car une simple porte entre deux salles permet de circuler.
Et parce qu’on va quand même au cinéma pour le cinéma, il y a les lieux dont j’adore juste la programmation. Le Luminor (qui est menacé de fermeture, signez la pétition) ou l’Archipel, qui m’ont permis de voir des trucs comme Piggy ou Méduse. La Filmothèque aussi, pour les ressorties classiques. Et bien sûr le Studio Galande pour le Rocky Horror Picture Show.
Dernier coup de cœur, un peu à l’écart de la liste : le Forum des Images, qui est un peu une deuxième maison. On y est bien pendant l’Étrange Festival, les séances Panic ou la colo Panic X Chroma. À l’époque où je faisais du stress post-traumatique au ciné, c’était le seul endroit où je me sentais quand même en sécurité.
- ✅ 5 Caumartin
- ✅ Chaplin Denfert
- ✅ Chaplin Saint Lambert
- ✅ Christine Cinéma Club
- ✅ Cinéma des Cinéastes
- ⏳ Cinema Mac Mahon
- ✅ Club de l’Étoile
- ✅ Écoles Cinéma Club (màj)
- ✅ Espace Saint-Michel
- ✅ L’Archipel
- ✅ L’Entrepôt
- ✅ L’Arlequin
- ✅ L’Épée de Bois
- ✅ L’Escurial
- ✅ La Filmothèque du Quartier Latin
- ✅ Le Balzac
- ✅ Le Brady
- ✅ Le Bretagne (màj)
- ✅ Le Champo (y’a longtemps)
- ✅ Le Grand Action
- ✅ Le Grand Rex
- ✅ Le Lincoln
- ✅ Le Louxor
- ✅ Le Lucernaire
- ✅ Le cinéma du Panthéon
- ✅ Les 3 Luxembourg
- ✅ Les 7 Batignolles
- ✅ Les 7 Parnassiens
- ✅ Luminor – Hôtel de ville
- ✅ Majestic Bastille
- ✅ Majestic Passy
- ✅ Max Linder Panorama
- ✅ Nouvel Odéon (y’a longtemps)
- ✅ Publicis Cinémas
- ✅ Reflet Médicis
- ✅ Saint-André des Arts
- ✅ Studio 28
- ✅ Studio des Ursulines
- ✅ Studio Galande
Et pour aller un peu plus loin :
- ✅ CGR Paris Les Lilas
- ✅ Cinémathèque française
- ✅ Forum des Images
Bretagne
En 2023, le Bretagne n’a pas de site web, pas de téléphone à jour et son nom de domaine renvoie vers sa page Allociné. Avec 2 salles, dont une immense, mais peu entretenue et très années 70, le cinéma ne passe que des blockbusters, en VF. Le cliché du cinéma indépendant décrépit, mais une des 3 plus grandes salles de Paris (800 places !).
Chaplin Saint Lambert
Un vrai ciné de quartier, avec des tas d’initiatives intéressante, une prog’ qui passe des choses récentes assez longtemps. J’aime beaucoup. Il a aussi une place spéciale dans mon cœur, parce que c’est le premier cinéma indépendant où je suis jamais allé.
À 17 ans, une prof nous avait demandé de voir un film pendant l’été, et il ne jouait plus que là. On avait donc traversé tout Paris pour finir dans cet obscur ciné du 15e, dans une salle en L, à être 5 en tout, dont nous 2 qui voulions pas être là.
Christine Cinéma Club
Une programmation uniquement de ressorties, très qualitative. La salle est vraiment impeccable.
Cinéma des cinéastes
Avec une entrée gigantesque qui fait plus concessionnaire automobile que cinéma, c’est un grand espace bleu gris vide, assez peu accueillant. J’ai peu de souvenir de la salle (sauf si c’est cet endroit bleu et fin avec des fauteuils pas top), mais leur bar caché est adorable. Situé en haut d’un escalier, il fait aussi cuisine. Un lieu cozy, sans vraie fenêtre, mais sans que ça soit trop oppressant.
Club de l’Étoile
Une salle privée, qui fait vraiment “club privé”. Passé la porte en verre, on attend souvent que la personne en charge descende depuis l’étage pour nous vendre la place. Avec un balcon et un orchestre, la salle est soignée, entretenue, et rouge.
Écoles Cinéma Club
Une programmation de classiques restaurées exceptionnelle, une salle impeccable, mais j’ai détesté l’expérience. Ça a l’air géré par une bande de connards.
D’abord, le gars refuse de me vendre ma place, parce qu’il “veut pas” et il me dit d’attendre que sa collègue revienne dans 3/4 d’heures. Puis la fiche du film à l’entrée, qui se fout de la gueule de Wikipédia (“L’impayable Wikipédia, consulté parce qu’il est toujours bon de rire un peu”). Et enfin la programmation avec du Polanski, une rétro Woody Allen et du Abdellatif Kechiche.