Revisiter les 5R

Et si le zéro déchet était com­pa­tible avec le jetable ? Qu’il pou­vait ser­vir en entre­prise ? Et qu’il pro­po­sait un tra­vail sur ses ima­gi­naires et ses dési­rs ? On voit ça en revi­si­tant les 5R du zero waste.

Les “5R” sont un outil mné­mo­tech­nique qui résume et hié­rar­chise les actions prio­ri­taires en zéro gas­pillage. Ils consistent dans une liste de cinq verbes d’action, clas­sés du plus au moins impor­tant : Refuser, Réduire, Réutiliser, Rendre à la terre et Recycler.

Ces 5R expriment des prio­ri­tés à appli­quer dans l’ordre. On refuse ce dont on n’a pas besoin, on réduit ce dont on a besoin, on réuti­lise ce qui peut l’être, on com­poste les matières orga­niques (“rendre à la terre”) et on recycle les matières qu’on ne peut ni réuti­li­ser ni composter.

Pyramide inversée des 5R : Refuser, réduire, réutiliser, rendre à la terre, recycler.
CC-BY-SA 2.0 Zero Waste Paris

L’importance des besoins

Les 5R témoignent de l’importance de la notion de besoin en zéro déchet. On ne refuse pas sim­ple­ment le jetable ou les embal­lages : ce refus fait suite à une réflexion sur ce dont on a besoin, indi­vi­duel­le­ment ou col­lec­ti­ve­ment. L’évaluation du besoin est ce qui per­met de choi­sir le R le plus pertinent.

En ce sens, le zéro déchet est com­pa­tible avec le jetable s’il y a un besoin et aucune autre alter­na­tive dis­po­nible ou ima­gi­nable : assoiffé⋅e dans le désert et sans moyen de trans­ports, on ne peut pas “refu­ser” une bou­teille d’eau en plas­tique jetable. Il y a un besoin, et pas d’autres solutions.

À l’opposé, la réuti­li­sa­tion (seconde main, répa­ra­tion) n’est pas tou­jours
“zéro déchet” : un achat d’occasion inutile reste d’abord un achat
inutile, qu’il aurait fal­lu refu­ser. Le zéro déchet pro­pose des méthodes, pas des pra­tiques figées.

Un outil d’aide à la décision

À l’inverse d’une lec­ture des 5R comme un outil domes­tique, ancré dans le quo­ti­dien, on peut y voir un modèle appli­cable de façon très large, ser­vant à pilo­ter des stra­té­gies et prio­ri­ser des actions dans tous les domaines. C’est un outil radi­cal, qui peut aller beau­coup plus loin et s’apparente à une matrice d’analyse (type SWOT, etc.).

Quand on éva­lue l’op­por­tu­ni­té d’une action ou d’un pro­jet, on peut uti­li­ser les 5R pour tes­ter cette oppor­tu­ni­té. Est-ce que ça va per­mettre d’é­vi­ter du gas­pillage de matière à la source ? Oui ? Non ? Si non, est-ce que l’ac­tion va per­mettre de réduire le gas­pillage ? Non ? De réuti­li­ser ou réem­ployer des choses exis­tantes, au moins ? Comment connec­ter le pro­jet à des besoins fon­da­men­taux des personnes ?

Les 5R per­mettent de tes­ter la dési­ra­bi­li­té d’un pro­jet et de hié­rar­chi­ser des actions selon leur impact. C’est un outil d’aide à la prise de déci­sion qui a sa place dans le milieu pro­fes­sion­nel (en par­ti­cu­lier dans le ser­vice public). Au-delà de l’é­co­lo­gie, uti­li­ser les 5R revient sou­vent à cher­cher si l’ac­tion pro­po­sée est bien la plus simple, la plus éco­nome en res­sources, et celle qui demande le moins de tra­vail. Keep it simple stu­pid.

De “refuser” à “renoncer”

On peut enri­chir les 5R de nuances, quitte à ajou­ter des R. Par exemple, cer­taines variantes divisent “Réutiliser” en “Réemployer” (réuti­li­ser sans rien faire) et “Réparer” (rendre uti­li­sable à nou­veau). Il y a là deux dimen­sions dif­fé­rentes, qui sont plus expli­cites quand on les sépare.

Dans le même esprit, je sug­gère de créer une nuance entre “Refuser” (ce qui nous est pro­po­sé de l’extérieur) et “Renoncer” (à des dési­rs et des ima­gi­naires déjà en nous). Là où le refus est une réac­tion à l’agression pro­duc­ti­viste et consu­mé­riste, le renon­ce­ment est un tra­vail sur soi, un pro­ces­sus pour se libé­rer de l’influence de la socié­té de gaspillage.

Renoncer n’est pas aban­don­ner des rêves et des pro­jets posi­tifs : c’est com­prendre qu’ils nous détruisent et nuisent aux per­sonnes que nous aimons. C’est une façon d’i­den­ti­fier en soi des dyna­miques néfastes, dont on peut alors se libé­rer. Le phi­losphe Alexandre Monnin parle de “poli­ti­ser le renon­ce­ment”, et j’ai tou­jours per­çu ça comme une logique zero waste. Zero waste, qui, je l’ai déjà dit, est fon­da­men­ta­le­ment poli­tique (même si j’ai aus­si des réserves).

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