Mi-juin nos héros déconfinent. Objectif : Kodawari Ramen Odéon. Après des mois de couvre-feu et confinement, Guillaume et Armie partent réclamer leur droit naturel et inaliénable à des ramens végétariens. Quoi de mieux pour ça que Kodawari, LA meilleure adresse de ramens végés de Paris.
Kodawari était le premier endroit où j’ai pu manger des ramens végétariennes à la fois créatives, avec des ingrédients de qualité, où les recettes variaient selon les saisons. Ce restaurant cochait toutes les cases, y compris une très facultative, le décor. Pour certains, l’endroit relèverait plus d’une déclinaison exotisante, du Disneyland nippon. En tout cas, se retrouve recrée une ruelle de Tsukiji.
J’avais le souvenir de ramens fondantes, de bols remplis, d’une pénombre agréable et de repartir l’estomac plein avec des amis enchantés. Nous y retournons donc, très heureux, mon amoureux et moi, juste après un terrible confinement qui nous a privé, non seulement du plaisir de manger au restaurant, mais spécifiquement des ramens : un plat qui voyage très mal et qui se retrouve tellement sur-emballé que je visualise un Wolverine cuisinier qui brandirait six rouleaux de cellophane entre ses phalanges.
Après réouverture des restaurants, je regarde la carte en ligne. Pas de plat végétarien. Je me dis : oui, mais c’était la carte réduite des plats à emporter, ils doivent avoir de nouveau les options, grands amis des végétariens qu’ils sont. Car j’ai foi en Kodawari : Ils ont TOUJOURS EU un plat de ramens végés à la carte.
En faisant la queue dehors à 11h45 (car nous ne sommes pas les seuls à avoir eu l’idée), je demande s’il y a des ramens végétariennes. Réponse assurée et immédiate : « Mais oui madame, bien sur, on adaptera une recette ». Je n’ai toujours pas peur : ils ont l’habitude, ça doit être presque un vrai plat. Non ? Une fois assis, la serveuse me pousse à douter : « oui, on peut modifier les nouilles froides en n’y mettant pas de bouillon animal. »
Nouilles
froides
froides
froides
f r o i d e s
Les mots résonnent et je fixe la carte.
Pas grave, si les nouilles sont froides, moi je suis chaude : ça va être bon, ce n’est pas des ramens, mais ce sont des nouilles, pas vrai ? Les plats arrivent. C’est joli. Je goûte.
Les nouilles très fermes, trop, même pour moi. Elles baignent dans une espèce de vinaigrette tellement salée que je sens ma tension qui s’emballe. Ou peut être que c’est juste mon agacement. 12€. Je mange des vers encore en vie qui s’ébattent dans de la boue de la mer morte.
Je croque quelques légumes. La tomate pochée est fondante et le reste fait un délicieux contrepoint frais. Je croque tous mes légumes : la vinaigrette froide et salée ne pénètre pas dedans, ce qui les aromatise juste ce qu’il faut. Puis je me force, oui oui, je me force – moi, dont le premier souvenir ce sont des pâtes, qui mange parfois des pâtes à tous les stades de la cuisson dans la casserole juste par plaisir – à manger des nouilles. Idée de génie : je dilue la vinaigrette de Poséidon avec de l’eau de la carafe.
On se focalise sur le décor. C’est joli, mais mon regard est attiré par les autres convives, qui mangent des ramens chauds. Ils se régalent. Je fixe mon bol.
« C’est allé ? » me demande mécaniquement la serveuse.
Karen, ta gueule, dis-je à destination ma salope bobo mentale qui a envie de lui demander un tensiomètre juste pour rire. Elle a le sens de l’humour parfois.
Je décide de couiner :
— « C’était un petit peu salé »
— « Vous voulez un dessert ? »
— « Non merci, l’addition, s’il vous plaît. »
Mon amoureux pourra témoigner du calme souverain apparent qui était le mien. Si, si, je le jure.
Nous retrouvons la lumière extérieure.
Là vous allez me dire : c’était temporaire, un jour ils auront de nouveau les ramens végés sur la carte, et tu retrouveras ces gros morceaux de potimarrons fondants. Mais il risque de se passer du temps avant que j’y remette les pieds.
Verdict (tant que la version végétarienne n’est pas à nouveau à la carte) :
Fuyez pauvres fous.