Qu’est-ce que ça changerait si un film sur deux que je regardais était réalisé par une femme ? En 2025, j’ai testé. Pourquoi ? Comment ? Et qu’est-ce que j’en ai appris. On fait le bilan, après plus de 240 films.
Une fois qu’on en prend conscience, il n’y a plus de retour en arrière. L’histoire du cinéma est l’histoire des mecs. Ouvrez 1001 films à voir avant de mourir : le livre indexe environ 600 cinéastes. Dans mon édition, je compte à peine 30 réalisatrices – environ 5% du total1. Prenez des listes qui conseillent des films sur Internet (top 10, top 100, etc.). Combien dans le lot sont réalisés par des femmes ? Probablement pas beaucoup.
Depuis plusieurs années, j’essaie de faire attention à voir plus de films de femmes. Clairement ça ne suffit pas. En 2024, j’ai commencé à compter : j’ai vu 207 films, dont 48 réalisés et 7 coréalisés par une femme. Un gros quart du total (26,5%), mais le chiffre tombe à 21,4% si j’exclus les coréalisations et les courts-métrages (168 longs, dont 36 strictement réalisés par une femme). Bref, entre et 80% des films que j’ai vus en 2024 donnaient une place de pouvoir centrale à un homme. Et ça, c’était en “faisant attention”.
En 2025, j’ai décidé d’aller plus loin. Pour toute l’année, j’ai appliqué la règle :
Voir au moins autant de films réalisés par des femmes que de films réalisés par des hommes.
C’est relativement facile de faire une semaine ou un mois “sans homme” au cinéma. Mais sur un an, on y apprend sûrement plus de choses.
Pourquoi faire ça ?
Dans son livre Le génie lesbien, Alice Coffin dit qu’en s’exposant sans cesse à des productions faites par des hommes, on s’intoxique à des imaginaires sexistes et patriarcaux. Pour s’en libérer, elle suggère de consacrer son temps à des œuvres produites par des femmes. J’ajoute qu’au-delà de l’effet sur soi, il y en a un sur les autres. Voir des films de réalisatrices, c’est en parler autour de soi, les visibiliser… et les soutenir économiquement.
Comment s’y prendre ?
Appliquer une règle paritaire suppose de savoir quels films sont réalisés par des femmes. Pour ça, j’ai appliqué la méthode la plus simple : est-ce que la cinéaste a un nom explicitement féminin ? Si oui, ça compte pour une femme. Et pour limiter les erreurs, direction LetterBoxd (qui a des photos), TMDB (qui précise le genre), IMDB ou Wikipédia.
Ça pose des problèmes évidents pour les cinéastes non-binaires, qui se retrouvent binarisés et invisibilisés au passage. Ça prolonge aussi l’idée qu’on peut déterminer le genre par l’apparence physique ou le prénom (contestable). Mais je ne vois pas de méthode réaliste pour trouver le genre revendiqué de chaque cinéaste avant de voir un film.
En attendant une clé de tri par genre sur Letterboxd ou IMDB, c’est un bricolage. Et puis l’objectif est de voir moins de films d’hommes, pas de catégoriser au mieux toutes les personnes qui n’en sont pas (des hommes, pas des films).
Garder le compte
Pour garder le compte, j’ai installé une appli et créé trois compteurs. Un pour les films de femmes, un pour les films d’hommes et un pour ceux coréalisés H/F. En parallèle, j’ai noté tout ce que j’ai vu dans mon Letterbox, en taguant les films woman-director ou woman-codirector.
Faute d’avoir réfléchi, j’ai mélangé courts et longs métrages dans mes compteurs. Ça a introduit un biais : voir 10 courts de femmes et 10 longs d’hommes, c’est pas exactement paritaire. Mais comme Letterboxd connaît la durée des films, j’ai pu trier à posteriori. En y repensant, j’aurais aussi pu compter non pas les films (parité à l’unité), mais le temps passé (parité temporelle). Ç’aurait été un assez différent.
Quand j’ai fait les calculs à l’automne, j’ai compris que mélanger courts et longs avait créé un écart invisible. Je pensais avoir vu 10 films de femmes de plus au total, mais c’est parce que j’avais bingé des courts. En regardant uniquement les longs métrages, j’avais neuf films de retard. Un retard que j’ai rattrapé sur la fin d’année, en comptant courts et longs à part d’octobre à décembre.
Trouver des films
C’est plus dur que ce qu’on croit. L’interface des plateformes n’est pas faite pour qu’on trie par genre. Fouiller les détails d’un film sur Amazon, Netflix ou Disney+ est presque toujours long et pénible. Si on regarde les sorties cinéma, il y a peu de films de femmes (au doigt mouillé 1,5 par semaine)… Et c’est pas toujours ceux qu’on veut voir.
J’ai rapidement compris qu’il fallait identifier des films à l’avance, voire stocker des films où piocher. Pour ça, plusieurs méthodes, que j’ai découvert tout au long de l’année :
- creuser une filmographie
- utiliser des listes
- s’appuyer sur les catégories
- les podcasts et sites spécialisés
Creuser la filmo d’une réalisatrice
Ça permet de ne pas juger l’artiste à partir d’une seule œuvre. Et si on creuse, c’est souvent qu’on a aimé. Limite : j’ai croisé beaucoup de cinéastes avec une carrière très courte2, dont les titres n’étaient pas faciles à se procurer. Un problème qu’on retrouve aussi pour des réalisatrices plus établies, qui ont réussi à durer. Alors que creuser les filmos n’était pas ma méthode préférée, j’ai beaucoup tenu là-dessus, regardant souvent au moins deux films d’une même artiste.
Utiliser des listes de films
C’était ma méthode de prédilection, mais j’ai mis du temps à trouver certaines listes. Ma première bouée de sauvetage a été Stuff by women, about women, qui recense des films avec des femmes à des positions de pouvoir. Pour y figurer un film doit à la fois avoir des femmes comme :
- actrice ou co-actrice principale, ou sujet du film
- réalisatrice ou coréalisatrice
- scénariste ou coscénariste (script, histoire ou matériau source)
La liste est inépuisable (plus de 5000 films) et mise à jour tout le temps. Limite : si on utilise qu’elle, on passe à côté de films qui ne cochent pas les toutes les cases. Par exemple Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, dont le scénario est écrit par un homme.
Au printemps, j’ai découvert Women Directors : The Official Top 250 Narrative Feature Films, qui intègre des films dont les (co)réalisatrices n’ont pas toujours été officiellement créditées. Bizarrement, l’idée de voir les films cités dans 1001 films ne m’est venue qu’au bout de six mois… Pour découvrir qu’aucun film d’Alice Guy n’y figurait, peut-être parce que mon édition (2013) date d’avant sa redécouverte.
Ma copine m’a suggéré des listes en plus : 21 premiers films de réalisatrices qui ont débuté après 2011(lien en anglais) ; ou bien 10 premiers films français de réalisatrices (en anglais) ; ou encore une liste des coming-of-age écrits ou réalisés par des femmes du cinéma muet à nos jours (en anglais). Elle a aussi trouvé le site Women and Hollywood, malheureusement fermé et disponible uniquement dans sa version archivée.
Utiliser les taxonomies
Pour compenser les limites des listes, j’ai fouillé les tags sur plusieurs sites, en regardant notamment le tag woman-director ou women-director sur LetterBoxd… Et sur des plateformes de téléchargement3. Encore une fois, il m’a fallu six mois pour penser à consulter Wikipédia… qui a une catégorie Réalisatrice de cinéma disponible en 27 langues.
Les podcasts et sites spécialisés
J’écoute quelques podcasts de ciné de façon très aléatoire. Je pense à Sorociné, du média féministe du même nom, et à L’esprit critique de Mediapart. Cinérameuf d’Alice Creusot m’a aussi beaucoup inspiré, même s’il s’était arrêté en 2024. Pendant longtemps, c’était ses recos qui m’envoyaient découvrir des meufs au ciné.
Alice, si par miracle tu passes là : j’ai adoré ton travail sur Cinémareuf. Genre j’ai donné à ton Tipeee jusqu’à la fin.
Les méthodes qui ne marchent pas
Un mot sur des méthodes que je n’ai pas utilisées, parce qu’elles m’ont semblé inefficaces. Creuser des genres connotés “féminins”, comme la comédie romantique : ça marche mal, car les films qui s’adressent à un public féminin sont souvent réalisés par des hommes.
Autre méthode rejetée : faire la liste des films primés. Il y’a tellement peu de femmes récompensées que c’est une perte de temps. À la rigueur, j’aurais pu fouiller les palmarès du Festival international de films de femmes sur son site… mais c’est très chronophage, et j’ai eu l’impression que les films étaient méconnus et impossibles à se procurer.
Au bout de huit mois j’ai découvert l’article Wikipédia anglais sur les femmes nommées aux Oscars hors catégorie genrée, et je me suis dit que j’avais eu tort de pas creuser les films récompensés… Seulement pour découvrir que j’avais presque déjà tout vu dans Meilleure réalisation et Meilleur film d’animation.
Se procurer les films
J’ai dit trouver des films. Ça ne veut pas se les procurer. Malgré une carte de ciné illimité dans Paris, un accès à plusieurs plateformes4 et au piratage, j’ai régulièrement échoué à trouver certains titres. En particulier ceux qui ne sont pas en anglais ou qui sont anciens.
J’aurais pu aller au Forum des images ou à la Cinémathèque piocher dans leurs collections permanentes, mais euh, non, voilà. J’ai pas non plus loué de films en médiathèque ou en vidéoclub (oui), alors que c’était une possibilité. Enfin, j’ai rien emprunté à mes am⋅ies, là encore j’aurai pu.
Anecdote : ma copine a cherché une salle de ciné indé pour organiser une séance privée entre potes. Dans ces cas-là, on pioche dans le catalogue du ciné le film qu’on veut voir. L’un des cinés contacté n’avait que DEUX films de femme à son catalogue, sur une centaine de titres… On a donc fini à l’Archipel, connu pour sa ligne éditoriale féministe.
Ce que ça a changé au quotidien
J’ai moins été au cinéma et j’ai vu beaucoup de choses à la maison. Même à Paris, avec tous les cinémas et les rétrospectives, les films projetés sont massivement réalisés par des hommes. Je suis aussi devenu (encore) plus pénible que d’ordinaire pour choisir un film. À chaque film, j’ai dû me demander si j’étais en retard, en avance, ou l’équilibre pour maintenir les 50/50. Épuisant, surtout pour les autres.
Au début, j’ai été plus regardant sur les films d’hommes. Ça m’a amené à chercher plus du côté de films issus de minorités : réalisateurs non-blancs, cinéastes queer, etc. Ça n’a pas été une révolution, et ça n’a pas duré. Notamment parce que j’ai profité des films d’hommes pour voir des choses… que les gens autour de moi voulaient voir.
Ce qui a vraiment évolué, c’est que j’ai quasi arrêté de regarder des films de mecs quand j’étais seul. Histoire de simplifier le choix d’un film quand on est en groupe, j’ai eu tendance à regarder plus de films de femmes dans mon coin, pour “garder de l’avance”. Pour maintenir mon compte, j’ai souvent renoncé à voir certains films de mecs au ciné.
Aspect important, la répartition genre films que j’ai vu a changé. En début d’année, les films d’actions, les thrillers ou la science-fiction ont largement disparu. Pendant un temps, ma passion pour l’horreur a aussi pris un coup. Et puis à un moment j’ai lâché l’affaire : je suis allé voir des blockbusters crétins à la pelle au ciné, et j’ai rattrapé ensuite.
Voir des films réalisés par des femmes a fait exploser le nombre de drames regardé à la maison, au point où j’ai eu des plaintes. J’ai vu plus de romance, d’horreur, de SF et de documentaires qu’en 2024… Et moins de films d’actions, de thriller, de films d’aventure ou d’animation. C’est aussi cliché que ça.


Comment j’ai triché
Qui dit objectif chiffré dit système de triche. Pour atteindre 50%, j’ai conscientisé beaucoup de façon de tricher. Un film qui n’est pas vu en entier n’est pas décompté… donc si je ne vois pas le début, si je fais autre chose pendant, ou si j’arrête en cours, ça ne compte pas5. Si j’ai du retard sur l’objectif, je peux revoir un film de femme que j’ai déjà vu. Et de janvier à octobre, un court métrage pouvait “compenser” un long métrage. Mais comme j’ai dit, j’ai changé cette règle sur la fin de l’année.
Ces arrangements illustrent la limite des défis chiffrés, mais aussi la difficulté à rester à 50/50 dans une offre de films massivement dominée par les hommes. Pour avoir la paix, j’ai tenté de prendre 10 films d’avance et de maintenir cet écart. Une stratégie qui s’est écroulée quand j’ai compris que j’avais de l’avance sur les courts, mais du retard sur les longs.
En fin d’année, j’avais complètement arrêté de tricher, mais j’étais aussi épuisé par les contraintes du défi. Je lançais des films comme un zombie, sans aucune idée de leur contenu, juste pour garder la parité.
Un constat amer
Durant cette expérience j’ai vu des films de femmes parce qu’ils étaient faits par des femmes, alors que j’ai vu des films d’hommes parce qu’ils me faisaient envie. Sans le défi, j’aurais clairement vu autre chose.
J’ai aussi vu moins de bons et très bons films. Un film réalisé par une femme peut être moins bien apprécié, voire descendu à tort à cause du sexisme. J’ai donc pioché des films parfois moins bien notés, quitte à ce qu’ils soient… vraiment moins bien. Après, il y a un effet mécanique : les excellents films sont rares, les films de réalisatrices sont aussi… Les excellents films de réalisatrices sont donc encore plus rares.
Cela dit, l’objectif était de voir des choses différentes, et ça a marché. J’ai vu plus de réalisatrices que jamais dans ma vie. Des cinéastes dont pour beaucoup je n’avais jamais entendu parler… Ou dont j’avais jamais pris la peine de me souvenir du nom.
J’avais vu Ladybird (2017) et Little Women (2019) à leurs sorties, mais il a fallu Barbie (2023) pour que j’apprenne le nom de Greta Gerwig, qui réalise les trois. J’ai l’impression que quand un homme fait un film, il ajoute une entrée à sa carrière ; quand une femme fait un film, au mieux on se souvient du film. Même si les cinq dernières années ont vu ça changer : Julia Ducournau, Céline Sciamma, Coralie Fargeat, ou Audrey Diwan sont désormais des noms qu’on suit.
Des différences de genre ?
Est-ce que le genre du cinéaste change vraiment quelque chose ? J’aimerais dire non. Mais toute cette expérience part du présupposé que oui, puisque l’idée était de se désintoxiquer des imaginaires masculins. La position sociale des personnes affecte leur façon de voir, ce qu’elles veulent montrer et comment elles le font. Donc, oui, on ne voit pas la même chose quand on regarde massivement des films de femmes.
Les films d’hommes ne parlent pas autant de trauma, du fait de ne pas être écouté, ou de la bêtise du genre masculin. Ils banalisent plus facilement la violence, qu’il semble impératif de montrer à l’écran et qui est souvent physique. Sans parler de la sexualisation gratuite des personnages féminins. Les films de réalisatrices que j’ai vu cette année ne faisaient globalement pas tout ça. Par exemple, la violence y était souvent latente : on parlait de ses conséquences, sans forcément la montrer.
Ce qui m’a vraiment marqué, c’est que les films de réalisatrices témoignent d’un rapport au corps différent. Les corps ne sont pas filmés de la même façon. Et c’est pas surprenant, tant le corps des femmes et le corps des hommes n’a pas la même place sociale et n’est pas soumis aux mêmes injonctions. À ce titre le retour du body horror dans des films portés par de femmes n’est pas un hasard complet (Ducournau, Fargeat, etc.).
En repensant aux critères du regard féminin d’Iris Brey, je retombe un peu sur cette idée que les corps ne sont pas érotisés inconsciemment, que le plaisir cinématographique n’est pas lié au fait de mater (Brey parle de “pulsion scopique”). Même si Brey précise qu’il ne suffit pas d’être une femme pour avoir un “regard féminin”, et que tous les films que j’ai vu n’exprimaient pas un female gaze (quoi qu’on pense de la notion).
Autre différence, le parcours des cinéastes féminines. J’ai l’impression que les réalisatrices ont des parcours plus riches que les hommes (pour ne pas dire “plus heurtés”). J’ai croisé beaucoup d’autrices qui cumulent les fonctions pendant leur carrière, ou même dans leur film : scénariste, actrice, réalisatrice… Devenir réal (et le rester) n’a pas l’air aussi évident que pour des hommes. On voit souvent les mecs faire leur carrière dans un seul métier. Pour les femmes, on sent que c’est plus compliqué.
Les chiffres
En un an, j’ai réussi à me mélanger dans mes chiffres. Mon Letterboxd liste 242 films en tout (+35 par rapport à 2024), dont 125 de femmes (+77), 117 d’hommes (-42) et 13 coréals6 (+3). Mon appli de compteur, elle, dit 227, dont 119 de femmes, 98 d’hommes et 10 coréalisations. Bravo Guillaume.
On va prendre les chiffres Letterboxd. Au moment où j’arrête ces chiffres (5 décembre), j’ai vu 173 longs métrages (+5 par rapport à 2024) et 69 courts (+30). Sur les 125 films de femmes, je compte 87 longs (+51) et 38 courts (+26). Je fais pas les pourcentages, c’est trop compliqué.
Au final, je suis à l’équilibre sur les longs métrages, mais à peine (seulement un film d’avance). Par contre j’ai 31 courts de réalisatrices de plus, probablement parce qu’à un moment j’ai vu des courts en masse. Je pense que chercher un équilibre m’a fait voir plus de films que d’ordinaire.
Sur un autre plan, je constate qu’en 2024, il y avait 12 cinéastes dont j’avais vu au moins 2 films dans l’année. C’était presque tous des hommes (10 sur 12) et tous des blancs (9 sur 10). En 2025, c’est différent. Il y a 26 cinéastes dont j’ai vu 2 films ou plus : 16 femmes et 10 hommes. Même si ça reste très blanc (20 sur 26).


Le palmarès
On a vu quoi ? Voici la liste des films de réalisatrice vus en 2025 et celle des films coréalisés (parfois coréalisés F/F). Là-dedans, il y a en 10 qui restent sur mes favoris 2025. En particulier : Cow, de Andrea Arnold, et First Cow de Kelly Reichardt. C’est l’année du film de vache. C’est aussi l’année de Céline Song, avec Materialists et Past Lives dans mon top 2025, malgré tout ce que j’ai détesté dans Materialists. Enfin j’ai adoré le nanar intersidéral qu’est Madame Web, et que je ne peux que conseiller à chaque personne actuellement en vie sur Terre.
Bilan
C’était bien. C’était vraiment compliqué. Le cinéma reste un milieu extrêmement patriarcal. Essayer de voir des films de réalisatrices, c’est presque jouer contre les règles du jeu. Il faut se débrouiller, fouiller, réussir à se procurer les films. Tout en se demandant si on ne trouve pas parce qu’il n’y a pas grand-chose… Ou si c’est le résultat d’un travail d’invisibilisation des réals passées et de silenciation de celles qui voudraient réaliser plus aujourd’hui (spoiler : oui).
L’idée d’Alice Coffin de se désintoxiquer des imaginaires masculins marche vraiment, et c’était apaisant par bien des aspects. Ça été l’occase de découvrir des autrices cools… Et ça aiguise le regard sur le sexisme au cinéma. Y’a des histoires ou de façon de les raconter qui me sont devenus pénibles, que j’ai plus envie de voir. Un des trucs reposant cette année, c’était de pas voir des viols, ou qu’ils ne soient pas montrés à l’écran avec un regard masculin, de façon voyeuriste et complice.
Coté négatif, le dispositif invisibilisait par construction les personnes non-binaires, et renforçait l’idée d’une binarité de genre. Ça excluait aussi de fait les cinéastes transmasc, même si en vrai, j’en connais quasiment aucun. Et finalement, ça a discriminé toutes les coréalisatrices : quand un film était cosigné par un homme, ça ne changeait pas mon compte, donc j’avais pas d’intérêt à le voir.
En 2026, j’arrêterai d’appliquer cette règle. Ça permettra de voir ce que ça change de revenir à plus de films d’hommes… Et si cette expérience produit des effets durables sur ma cinéphilie (ou pas).
Notes
- Décompte fait par moi, à partir de l’édition 2013 du livre. Il est possible que j’en ai oublié certaines par mégarde. La liste des “réalisateurs” (p. 944–946) fait 12 colonnes d’environ 50 noms chacune, soit à la louche 600 noms. ↩︎
- C’est peut-être un pur biais de sélection de ma part. ↩︎
- Cherchez “keyword:woman director” sur YTS. ↩︎
- J’ai notamment utilisé Amazon Video, Universciné, Disney+, Filmo, Netflix, et Arte TV. Parfois avec des codes partagés, parfois en prenant l’abo gratuit une semaine. ↩︎
- C’est ma façon habituelle de compter si j’ai vu un film ou pas. Ce qui change, c’est que là je l’ai instrumentalisée. ↩︎
- Tout le monde s’en fout, mais je le note pour moi : c’est parce qu’il y a 2 coréals F/F et une série dans le lot. Donc c’est bien 10 coréal H/F sur l’année. Au moins j’ai UN chiffre correct. ↩︎
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