Qui n’a jamais goûté le plaisir exquis d’écrire à un site via son formulaire de contact ? Écrire dans un champ tout petit, sans mise en forme, avec un nombre de caractères limité (mais pas toujours indiqué) : n’est pas une expérience délicieuse ?
Dérouler des motifs de contact, pour s’apercevoir qu’aucun ne correspond ; renseigner des données inutiles (civilité, profession) ; compléter des CAPTCHA sibyllins qui fuitent des données personnelles à Google : qui peut citer de meilleure façon d’occuper son temps ?
Qui n’aime pas ressentir ces divertissantes inquiétudes : “Mon message est bien parti ? Sera-t-il vraiment reçu ? Et qu’est-ce que j’y racontais déjà précisément ?”. Ne dites rien : je sais que vous partagez ces délices.
Et pourtant, sur vos sites, vous avez mis un formulaire de contact. Parce que vous n’avez pas envie d’avoir votre mail spammé par des robots, qu’il faut bien un moyen de contacter le site et que vous n’allez – quand même – pas mettre un téléphone ?
Moi aussi, je suis passé par là. Mais j’ai eu la révélation. Et puis j’ai supprimé mon formulaire de contact quand même. Pour le remplacer par un mail et, oui, un numéro de téléphone. Voilà mon histoire.
Une expérience désastreuse pour l’utilisateur
Pour l’utilisateur, le formulaire de contact est systématiquement une expérience désastreuse. Passons sur l’interface (souvent lourde ou inversement trop sommaire). Le problème de fond est que le formulaire est un dispositif complet sur lequel l’utilisateur n’a souvent que peu d’information.
On manque régulièrement d’information sur :
- Qui est le destinataire de mon message ?
- Mon message a‑t-il bien été envoyé ?
- A‑t-il bien été reçu ?
- Quels sont les délais de réponse ?
- Vais-je seulement avoir une réponse ?
- Qu’arrive-t-il aux données que je fournis (nom, prénom, etc.) ?
- Vais-je recevoir une copie de mon message pour ne pas oublier son contenu ?
Répondre à toutes ces questions est possible. Il y a de bons formulaires de contact, qui prennent en compte ces interrogations. Mais combien sont-ils ? La quantité de formulaires mal faits dégrade la confiance dans les formulaires en général. C’est la loi de Jakob.
Et à supposer que vous conceviez un bon formulaire : est-il vraiment aussi simple à utiliser qu’un e‑mail ou un téléphone ? Est-il aussi fonctionnel et adaptable qu’un autre moyen de contact ?
Un intérêt modéré en tant qu’éditeur de site
Je sais ce que vous allez dire : ouimé. Ouimé le spam. Ouimé mon intégration top cool avec mon CRM de folie (ou mon outil de ticketing douteux). Arrêtons de se mentir.
Un formulaire de contact est une brique technique foireuse, qu’on sue à construire, puis à configurer, pour un résultat mitigé, moyennement adapté, et dont on espère qu’il survivra à la prochaine mise à jour des autres briques techniques du site (plugin, CMS, etc.).
J’ai monté des formulaires de contact. Ce n’est pas une bonne façon d’occuper sa vie en attendant la mort. J’ai répondu aux messages envoyés par des formulaires : c’est à peine plus satisfaisant.
Il y a les gens qui voulaient envoyer une pièce jointe, mais le formulaire n’a pas prévu ce cas d’usage. Ceux qui n’ont pas lu les 5 motifs de contact et ont envoyé à la mauvaise personne (moi). Ceux qui ont ignoré le “Nous ne répondons pas à {ce type de question}” et qui ont écrit malgré tout. La liste des problèmes est infinies.
Et puis il y a les spammeurs, robots ou pas, qui ont quand même passé le formulaire. Mais comme leur message est envoyé via notre site, je ne peux pas les déclarer comme spam via Signal Spam, sinon c’est notre serveur qui va être considéré comme problématique.
Tous ces utilisateurs, on les a forcé à utiliser un formulaire. C’est-à-dire à apprendre une interface spécifique pour envoyer un message. Il y a un coût cognitif (certes minime) dont on pourrait complètement se passer. L’utilisateur a un client mail qu’il connaît, un téléphone qu’il sait déjà utiliser : pourquoi ne pas capitaliser là-dessus ?
Faire simple
En mettant un mail sur la page contact, les gens peuvent nous écrire. Avec le contenu qu’ils veulent : longueur, pièce jointe, mise en forme, etc. Ce n’est pas à moi de décider la forme du message qu’ils m’envoient.
Si leur message ne part pas, leur appli mail habituelle les préviendra. Si le message n’arrive pas, ils auront une erreur [mailer daemon]
. Et tout ça sans faire confiance au serveur web d’un site (alors qu’on a déjà des serveurs mails qui font le boulot).
Si dans 3 jours ils s’étonnent de ne pas avoir de réponse, ils peuvent consulter leurs messages envoyés pour retrouver le mail initial. Ils sauront quand il est parti et quel était son contenu.
Quand ils reçoivent une réponse, elle vient d’une vraie personne (moi), qui signe avec son vrai nom, dans un vrai mail, avec un titre qui permet de comprendre qui elle est.
Et si l’écrit n’est pas leur truc pour une raison quelconque, il y a un numéro de téléphone en moyen de contact secondaire. Parce qu’il faut toujours doublonner les moyens de contact.
Tout ça est simple, sobre, et assez facile à comprendre. C’est une économie de temps, de ressources, de complexité. Le dispositif est trivial et s’appuie sur ce que les gens connaissent déjà (leur mail, leur téléphone). On pourrait faire plus complexe, mais à notre échelle ça ne sert pas.
Ouimé, le spam ?
J’ai dit de mettre un mail ou un numéro de téléphone. Je n’ai pas dit de mettre ça en clair, sans aucune offuscation. Il existe plusieurs façons de masquer les adresses mails aux robots et d’éviter le spam : jouer sur les CSS, le JavaScript, ou (plus brutal) mettre l’adresse mail dans une image.
Ces méthodes permettent aux utilisateurs légitimes d’utiliser l’adresse mail comme si de rien n’était, tout en compliquant la vie des robots. Ma principale inquiétude à ce niveau concerne l’accessibilité, pas l’efficacité.
Après plusieurs mois, cette stratégie a fonctionné à merveille, y compris un site qui reçoit près d’un million de visiteurs par mois. Pour l’accessibilité, on commande bientôt un audit sur ce point.
Je mettrai l’article à jour en fonction.
Mise à jour (2023) : ni l’audit initial ni celui de contrôle n’ont relevé de point problématique avec l’offuscation. Hourrah.