L’art secret de faire souffrir, avec les formulaires de contact

Qui n’a jamais goû­té le plai­sir exquis d’é­crire à un site via son for­mu­laire de contact ? Écrire dans un champ tout petit, sans mise en forme, avec un nombre de carac­tères limi­té (mais pas tou­jours indi­qué) : n’est pas une expé­rience délicieuse ?

Dérouler des motifs de contact, pour s’a­per­ce­voir qu’au­cun ne cor­res­pond ; ren­sei­gner des don­nées inutiles (civi­li­té, pro­fes­sion) ; com­plé­ter des CAPTCHA sibyl­lins qui fuitent des don­nées per­son­nelles à Google : qui peut citer de meilleure façon d’oc­cu­per son temps ?

Qui n’aime pas res­sen­tir ces diver­tis­santes inquié­tudes : “Mon mes­sage est bien par­ti ? Sera-t-il vrai­ment reçu ? Et qu’est-ce que j’y racon­tais déjà pré­ci­sé­ment ?”. Ne dites rien : je sais que vous par­ta­gez ces délices.

Et pour­tant, sur vos sites, vous avez mis un for­mu­laire de contact. Parce que vous n’a­vez pas envie d’a­voir votre mail spam­mé par des robots, qu’il faut bien un moyen de contac­ter le site et que vous n’al­lez – quand même – pas mettre un téléphone ?

Moi aus­si, je suis pas­sé par là. Mais j’ai eu la révé­la­tion. Et puis j’ai sup­pri­mé mon for­mu­laire de contact quand même. Pour le rem­pla­cer par un mail et, oui, un numé­ro de télé­phone. Voilà mon histoire.

Une expérience désastreuse pour l’utilisateur

Pour l’u­ti­li­sa­teur, le for­mu­laire de contact est sys­té­ma­ti­que­ment une expé­rience désas­treuse. Passons sur l’in­ter­face (sou­vent lourde ou inver­se­ment trop som­maire). Le pro­blème de fond est que le for­mu­laire est un dis­po­si­tif com­plet sur lequel l’u­ti­li­sa­teur n’a sou­vent que peu d’information.

On manque régu­liè­re­ment d’in­for­ma­tion sur :

  1. Qui est le des­ti­na­taire de mon message ?
  2. Mon mes­sage a‑t-il bien été envoyé ?
  3. A‑t-il bien été reçu ?
  4. Quels sont les délais de réponse ?
  5. Vais-je seule­ment avoir une réponse ?
  6. Qu’arrive-t-il aux don­nées que je four­nis (nom, pré­nom, etc.) ?
  7. Vais-je rece­voir une copie de mon mes­sage pour ne pas oublier son contenu ?

Répondre à toutes ces ques­tions est pos­sible. Il y a de bons for­mu­laires de contact, qui prennent en compte ces inter­ro­ga­tions. Mais com­bien sont-ils ? La quan­ti­té de for­mu­laires mal faits dégrade la confiance dans les for­mu­laires en géné­ral. C’est la loi de Jakob.

Et à sup­po­ser que vous conce­viez un bon for­mu­laire : est-il vrai­ment aus­si simple à uti­li­ser qu’un e‑mail ou un télé­phone ? Est-il aus­si fonc­tion­nel et adap­table qu’un autre moyen de contact ?

Un intérêt modéré en tant qu’éditeur de site

Je sais ce que vous allez dire : oui­mé. Ouimé le spam. Ouimé mon inté­gra­tion top cool avec mon CRM de folie (ou mon outil de ticke­ting dou­teux). Arrêtons de se mentir.

Un for­mu­laire de contact est une brique tech­nique foi­reuse, qu’on sue à construire, puis à confi­gu­rer, pour un résul­tat miti­gé, moyen­ne­ment adap­té, et dont on espère qu’il sur­vi­vra à la pro­chaine mise à jour des autres briques tech­niques du site (plu­gin, CMS, etc.).

J’ai mon­té des for­mu­laires de contact. Ce n’est pas une bonne façon d’oc­cu­per sa vie en atten­dant la mort. J’ai répon­du aux mes­sages envoyés par des for­mu­laires : c’est à peine plus satisfaisant.

Il y a les gens qui vou­laient envoyer une pièce jointe, mais le for­mu­laire n’a pas pré­vu ce cas d’u­sage. Ceux qui n’ont pas lu les 5 motifs de contact et ont envoyé à la mau­vaise per­sonne (moi). Ceux qui ont igno­ré le “Nous ne répon­dons pas à {ce type de ques­tion}” et qui ont écrit mal­gré tout. La liste des pro­blèmes est infinies.

Et puis il y a les spam­meurs, robots ou pas, qui ont quand même pas­sé le for­mu­laire. Mais comme leur mes­sage est envoyé via notre site, je ne peux pas les décla­rer comme spam via Signal Spam, sinon c’est notre ser­veur qui va être consi­dé­ré comme problématique.

Tous ces uti­li­sa­teurs, on les a for­cé à uti­li­ser un for­mu­laire. C’est-à-dire à apprendre une inter­face spé­ci­fique pour envoyer un mes­sage. Il y a un coût cog­ni­tif (certes minime) dont on pour­rait com­plè­te­ment se pas­ser. L’utilisateur a un client mail qu’il connaît, un télé­phone qu’il sait déjà uti­li­ser : pour­quoi ne pas capi­ta­li­ser là-dessus ?

Faire simple

En met­tant un mail sur la page contact, les gens peuvent nous écrire. Avec le conte­nu qu’ils veulent : lon­gueur, pièce jointe, mise en forme, etc. Ce n’est pas à moi de déci­der la forme du mes­sage qu’ils m’envoient.

Si leur mes­sage ne part pas, leur appli mail habi­tuelle les pré­vien­dra. Si le mes­sage n’ar­rive pas, ils auront une erreur [mailer daemon]. Et tout ça sans faire confiance au ser­veur web d’un site (alors qu’on a déjà des ser­veurs mails qui font le boulot).

Si dans 3 jours ils s’é­tonnent de ne pas avoir de réponse, ils peuvent consul­ter leurs mes­sages envoyés pour retrou­ver le mail ini­tial. Ils sau­ront quand il est par­ti et quel était son contenu.

Quand ils reçoivent une réponse, elle vient d’une vraie per­sonne (moi), qui signe avec son vrai nom, dans un vrai mail, avec un titre qui per­met de com­prendre qui elle est.

Et si l’é­crit n’est pas leur truc pour une rai­son quel­conque, il y a un numé­ro de télé­phone en moyen de contact secon­daire. Parce qu’il faut tou­jours dou­blon­ner les moyens de contact.

Tout ça est simple, sobre, et assez facile à com­prendre. C’est une éco­no­mie de temps, de res­sources, de com­plexi­té. Le dis­po­si­tif est tri­vial et s’ap­puie sur ce que les gens connaissent déjà (leur mail, leur télé­phone). On pour­rait faire plus com­plexe, mais à notre échelle ça ne sert pas.

Ouimé, le spam ?

J’ai dit de mettre un mail ou un numé­ro de télé­phone. Je n’ai pas dit de mettre ça en clair, sans aucune offus­ca­tion. Il existe plu­sieurs façons de mas­quer les adresses mails aux robots et d’é­vi­ter le spam : jouer sur les CSS, le JavaScript, ou (plus bru­tal) mettre l’a­dresse mail dans une image. 

Ces méthodes per­mettent aux uti­li­sa­teurs légi­times d’u­ti­li­ser l’a­dresse mail comme si de rien n’é­tait, tout en com­pli­quant la vie des robots. Ma prin­ci­pale inquié­tude à ce niveau concerne l’ac­ces­si­bi­li­té, pas l’efficacité.

Après plu­sieurs mois, cette stra­té­gie a fonc­tion­né à mer­veille, y com­pris un site qui reçoit près d’un mil­lion de visi­teurs par mois. Pour l’ac­ces­si­bi­li­té, on com­mande bien­tôt un audit sur ce point.

Je met­trai l’ar­ticle à jour en fonction.

Mise à jour (2023) : ni l’au­dit ini­tial ni celui de contrôle n’ont rele­vé de point pro­blé­ma­tique avec l’of­fus­ca­tion. Hourrah.