Et si le zéro déchet était compatible avec le jetable ? Qu’il pouvait servir en entreprise ? Et qu’il proposait un travail sur ses imaginaires et ses désirs ? On voit ça en revisitant les 5R du zero waste.
Les “5R” sont un outil mnémotechnique qui résume et hiérarchise les actions prioritaires en zéro gaspillage. Ils consistent dans une liste de cinq verbes d’action, classés du plus au moins important : Refuser, Réduire, Réutiliser, Rendre à la terre et Recycler.
Ces 5R expriment des priorités à appliquer dans l’ordre. On refuse ce dont on n’a pas besoin, on réduit ce dont on a besoin, on réutilise ce qui peut l’être, on composte les matières organiques (“rendre à la terre”) et on recycle les matières qu’on ne peut ni réutiliser ni composter.

L’importance des besoins
Les 5R témoignent de l’importance de la notion de besoin en zéro déchet. On ne refuse pas simplement le jetable ou les emballages : ce refus fait suite à une réflexion sur ce dont on a besoin, individuellement ou collectivement. L’évaluation du besoin est ce qui permet de choisir le R le plus pertinent.
En ce sens, le zéro déchet est compatible avec le jetable s’il y a un besoin et aucune autre alternative disponible ou imaginable : assoiffé⋅e dans le désert et sans moyen de transports, on ne peut pas “refuser” une bouteille d’eau en plastique jetable. Il y a un besoin, et pas d’autres solutions.
À l’opposé, la réutilisation (seconde main, réparation) n’est pas toujours
“zéro déchet” : un achat d’occasion inutile reste d’abord un achat
inutile, qu’il aurait fallu refuser. Le zéro déchet propose des méthodes, pas des pratiques figées.
Un outil d’aide à la décision
À l’inverse d’une lecture des 5R comme un outil domestique, ancré dans le quotidien, on peut y voir un modèle applicable de façon très large, servant à piloter des stratégies et prioriser des actions dans tous les domaines. C’est un outil radical, qui peut aller beaucoup plus loin et s’apparente à une matrice d’analyse (type SWOT, etc.).
Quand on évalue l’opportunité d’une action ou d’un projet, on peut utiliser les 5R pour tester cette opportunité. Est-ce que ça va permettre d’éviter du gaspillage de matière à la source ? Oui ? Non ? Si non, est-ce que l’action va permettre de réduire le gaspillage ? Non ? De réutiliser ou réemployer des choses existantes, au moins ? Comment connecter le projet à des besoins fondamentaux des personnes ?
Les 5R permettent de tester la désirabilité d’un projet et de hiérarchiser des actions selon leur impact. C’est un outil d’aide à la prise de décision qui a sa place dans le milieu professionnel (en particulier dans le service public). Au-delà de l’écologie, utiliser les 5R revient souvent à chercher si l’action proposée est bien la plus simple, la plus économe en ressources, et celle qui demande le moins de travail. Keep it simple stupid.
De “refuser” à “renoncer”
On peut enrichir les 5R de nuances, quitte à ajouter des R. Par exemple, certaines variantes divisent “Réutiliser” en “Réemployer” (réutiliser sans rien faire) et “Réparer” (rendre utilisable à nouveau). Il y a là deux dimensions différentes, qui sont plus explicites quand on les sépare.
Dans le même esprit, je suggère de créer une nuance entre “Refuser” (ce qui nous est proposé de l’extérieur) et “Renoncer” (à des désirs et des imaginaires déjà en nous). Là où le refus est une réaction à l’agression productiviste et consumériste, le renoncement est un travail sur soi, un processus pour se libérer de l’influence de la société de gaspillage.
Renoncer n’est pas abandonner des rêves et des projets positifs : c’est comprendre qu’ils nous détruisent et nuisent aux personnes que nous aimons. C’est une façon d’identifier en soi des dynamiques néfastes, dont on peut alors se libérer. Le philosphe Alexandre Monnin parle de “politiser le renoncement”, et j’ai toujours perçu ça comme une logique zero waste. Zero waste, qui, je l’ai déjà dit, est fondamentalement politique (même si j’ai aussi des réserves).
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