À cette époque, mes parents décident de refaire leur cuisine. Doté d’un solide sens des affaires, d’une perspicacité hors pair et d’un courage inconscient, ils achètent Conforama. Je n’ai personnellement rien contre Conforama. Certes, mettre “confort” dans son nom, c’est étrange. Comme si les clients allaient l’oublier. Mais bon. Mes parents achètent leur cuisine.
Les meubles sont livrés. Complets. Sauf un. Dans cette sympathique cuisine neuve et refaite, il manque une porte sur un des placards. La ligne unie des nouveaux placards s’arrête brusquement et laisse entrevoir un trou. Les stocks d’huile et de sopalin s’offrent à la vue de tous pour accompagner la décoration d’ensemble.
Mes parents contiennent leur ravissement. Ils contactent le magasin. Selon le service client, la porte manquante va bientôt arriver. Il suffit d’attendre. On prend en compte leur demande. Oui, oui. Aucun problème. Ce sera vite reglé.
8 semaines plus tard
Malgré plusieurs relances, la porte n’est toujours pas arrivée. La cuisine familiale accueille chaque jour mes parents d’un sourire édenté. Ils prennent rendez vous avec le responsable du magasin. Pour une raison qui m’échappe, je les accompagne.
Le responsable Conforama est un petit homme à l’air soucieux mais sympathique. Gêné, il nous guide dans son bureau pour discuter au calme. Son embarras est visible. Son “bureau” est en fait un cagibi aveugle et exigu, à peine ventilé, où règne une faible lumière jaune sombre. Il n’y a aucun vrai mobilier.
Au lieu d’armoire à dossiers, on a accroché aux mur des placards de cuisine. Tout le mobilier provient de différentes sections du magasin : chaise de l’espace salle à manger, table de l’espace chambre, meuble à roulette de l’espace bureau. Conforama, condensé dans 6 m².
L’ambiance est propice aux déprimes et aux confessions.
Pour arriver là, il a fallu traverser la “salle de détente” des employés. Une pièce étroite et mal agencée, où la chaleur étouffante et l’absence de fenêtre semblent justifier à elles seules la présence d’un extincteur et d’un distributeur de boisson. Plus possible de faire illusion.
Les confessions
Le gars nous explique.
Depuis des mois, Conforama est en conflit avec son fournisseur. Il vendent les cuisines, mais ils ne peuvent pas les livrer. Lors de la vente au client, ils savent déjà qu’ils ne pourront pas livrer. Nous, on a presque de la chance. Il y a des gens, ils n’ont pas du tout leur cuisine. Il y en a, ils leur manque toutes les portes, de tous les placards.
Il fait un geste pour désigner la pièce qui nous entoure. Regardez dans quoi je reçois les gens. Des meubles de cuisine. Un local biscornu et infâme. Au fait, c’était quoi exactement la porte qui vous manquait ? Mon père désigne l’un des placard derrière de responsable.
- C’est ce modèle là. Même dimension, même couleur.
Le type convoque un subalterne.
- Va me chercher un tournevis.
Nous repartons la porte sous le bras.
Une réponse à “Le sordide bureau du responsable de Conforama”
Une chaîne de magasin pas très clean !