J’ai testé le zéro déchet à l’extrême pendant un an. De décembre 2019 à décembre 2020, j’ai sorti la poubelle deux fois en tout. Comment ça s’est passé ? Qu’est-ce que j’ai appris ? Et pourquoi j’ai arrêté ? On voit ça dans ce billet (que je publie avec du retard, parce que, la vie).
En décembre 2019, je m’installe dans un nouvel appart : une location de 18 m², soi-disant meublée, avec un canapé-lit vraiment pas confortable. Comme j’essayais déjà de faire du zéro déchet avant, je continue. Mais là c’est plus compliqué :
- je n’ai plus d’endroit où composter
- l’immeuble n’a pas de bac de recyclage du verre
- le reste des poubelles déborde la plupart du temps
Qu’à cela ne tienne, je vais me débrouiller. Si j’ai réussi à déménager en n’achetant presque rien de neuf, je peux bien m’en sortir ensuite.
Avertissement : ce billet présente mes choix sur 2019–2020 et me sert d’abord à les documenter, pour mémoire. Je ne dis pas que ces choix sont bons ou que j’engage quiconque à faire les mêmes (voir la section Bilan).
Table des matières
Étape 1 : réduire les biodéchets
Avant, c’était simple : les biodéchets allaient dans le jardin, au fond, parce que voilà. Maintenant, les choix sont plus limités : j’ai la poubelle usuelle et pas de compost partagé. De ma fenêtre, je peux mettre ça dans la gouttière, mais vu qu’il y a un rat qui vient s’y nourrir, je sais pas si c’est un bon plan.
Décision : je mets ça dans un bocal qui ferme. C’est un ancien pot de fromage blanc, donc pas énorme. J’ai quand même bien intérêt à ce que ma copine accepte que je vienne le vider de temps en temps dans son jardin.
En plus, j’adapte mes courses pour réduire les biodéchets. J’achète des légumes sans emballage et je privilégie ceux qui génèrent le moins de biodéchets à la fin. Courgette : oui, tu peux tout cuisiner. Choux-fleur : jouable, les feuilles se mangent. Pomelo chinois qui fait des épluchures au kilo : on oublie.
Avec le 1er confinement, c’est devenu encore plus simple. Comme je ne pouvais plus aller chez ma copine, j’ai découvert que je pouvais traiter les biodéchets autrement : sur le radiateur ou directement au soleil.
On n’en parle pas assez, mais si on génère très peu de déchets, on peut les faire sécher plutôt que de les composter. C’est comme le thé : une fois infusé, tu le laisses, l’eau s’évapore, et tu peux le stocker ad vitam. Ça marche avec beaucoup de légumes ou de fruits.
Dans tout ça, il y a un autre facteur important : j’achète vraiment juste ce dont j’ai besoin et je consomme tout dans les temps. Donc je n’ai jamais de fruits ou de légumes en trop, qui finissent par pourrir ou me rester sur les bras.
Étape 2 : abandonner le verre
Les gens qui évitent le plastique kiffent les pots en verre. Mais ça, c’est bien si tu peux recycler ton verre. Et moi, je suis dans une ville avec zéro point d’apport volontaire du verre, et j’ai pas de bac dans mon immeuble.
Je prends donc la seule décision rationnelle que prendrait n’importe qui : arrêter d’acheter quoi que ce soit dont l’emballage soit en verre. Bocaux, bouteilles, etc. On oublie. J’ai vraiment pas envie d’emmener mon compost ET mon verre dans l’immeuble de ma copine.
En pratique, j’ai quand même acheté quelques fois de la bière ou de la sauce tomate. Disons que j’ai dû acheter 5–10 items en verre dans l’année, dont 2 fois où c’était plus pour le bocal que pour le produit.
Est-ce que c’était une bonne décision ? D’un point de vue déchet : oui. Du point de vue cuisine : no way. Je sais pas faire de sauces, et n’avoir ni sauce tomate ni fromage devient rapidement un souci quand on prépare des pâtes.
Étape 3 : s’appuyer sur le commerce vrac
On résume :
- je limite les biodéchets à fond
- j’achète plus de trucs emballés dans du plastique
- ou même emballés dans du verre
- en fait, j’achète plus rien d’emballé
Tout ça n’est donc possible que parce que le Day-by-Day est à 10 minutes à pied. Alimentaire sec : Day-by-Day ou Naturalia. Hygiène : Day-by-Day. Lessive : Day-by-Day. Huile, moutarde, vinaigre : Day. by. Day.
Ça marche aussi parce que mes commerçants sont cools. La boulangerie accepte mes sacs en tissu et j’ai trouvé un crémier qui accepte mes contenants. Enfin, ça c’était avant que je décide que je pouvais vivre sans acheter d’œufs ou de fromage.
Il y a quand même quelques exceptions au vrac : les Tetrapaks de lait d’avoine (très souvent), les pâtisseries à la boulangerie (de temps en temps) et les pizzas (pareil). Pour tout ça, c’est ou bien direction le recyclage ou le réemploi. Parce que le papier des pâtisseries fait un assez bon support pour écrire, quand tu racles la chantilly.
Étape 4 : réduire l’achat neuf
Ça c’est pour le courant. Mais ça ne marche pas si on achète non stop des trucs neufs avec des emballages à gérer. En 1 an, en tout et pour tout, j’ai acheté neuf :
- une poêle
- une ventouse débouche évier
- un attrape cheveux
- des caleçons (parce que voilà)
- un sur-matelas (après m’être pété le dos pendant 8 mois)
- 2 cadres pour tableaux sur-mesure
Pour tout le reste, j’ai réalisé que j’en n’avais pas besoin, ou que je pouvais le trouver d’occasion. En récupérant auprès de proches ou de plateformes dédiées. Gros coup de chance : l’ancienne locataire m’a vendu ses meubles pour 50 € le lot.
Dans tout ça, je ne compte pas : les consommables compostables (brosse à vaisselle en bois) et les livres récents, qui n’étaient pas encore dispos en bibliothèque quand je les ai lus. Et pour être 100% franc : on m’a offert une bouilloire neuve et une multiprise. J’ai des cadeaux de qualité.
Que reste-t-il dans la poubelle ?
Rien. Littéralement. J’ai mis les biodéchets et les recyclables à part. Il ne me reste donc pas de quoi remplir une poubelle “au quotidien”. Vivant seul, j’ai tout simplement pas assez de déchet.
Si le truc est sec, il est petit et ne va pas prendre de place. Direction le “bocal de type qui fait du zéro déchet” (voir plus bas). Si le truc est humide ou sale (fond d’évier), je vais pas le mettre dans une poubelle pour qu’il y pourrisse et se mette à sentir. Direction les toilettes.
Après ça, il ne reste plus rien dans ma poubelle.
Enfin si. La poussière. J’ai donc une grande poubelle, qui contient un tout petit sac vert (6L), où je mets la poussière. C’est assez coquet, mais dans 18 m², ça prend de l’espace. Quelque part à la fin de l’année, j’ai donné la poubelle. J’avais trouvé un carton plus petit, pour y ranger mon sac poubelle.
En un an, j’ai rempli :
- 2 sacs poubelle 6L de poussière
- 3 poubelles (20–30L ?) de recyclage
- pas mal de pots de biodéchet (secs ou humides)
- quelques déchets occasionnels
Les déchets occasionnels, ce sont des choses que j’envoie directement dans la poubelle de l’immeuble. Par exemple le carton de pizza (qu’on ne laisse pas avec le reste du recyclable “propre”). Ou le carton du canapé lit, quand mon logeur a accepté de le remplacer (mais en neuf).
Quel bilan ?
Descendre la poubelle ne m’a franchement pas manqué.
Je ne sais pas combien temps de vie on passe à remplir, vider et descendre la poubelle. Mais il ne m’a pas manqué. Par bien des aspects, les choses étaient plus simples sans avoir à se préoccuper de ça.
Faire du zéro déchet à fond suppose une infrastructure…
Sans magasin vrac à côté, mon plan se serait arrêté net. C’est notamment vrai pour le vrac liquide (lessive, huile, etc.). En même temps, l’infrastructure reste totalement insuffisante pour plein de produits, en particulier humides (lait, fromage, beurre, sauces, etc.).
… et pas mal de motivation.
J’ai sacrifié plein de choses que j’aurais définitivement acheté si j’avais pu les avoir sans emballage plastique (ou sans emballage tout court). À ce niveau, la consigne pour réemploi manque cruellement. Soyons clairs, j’ai mangé plus plats sans sauce que j’aurais voulu.
Ça a changé mon rapport aux produits emballés.
Je veux un produit de qualité, dans les quantités dont j’ai besoin, et rien de plus. Je n’ai rien à faire du packaging. J’ai pas envie d’acheter 500g d’un produit qui va s’avérer dégueu ou inadapté, alors que j’aurai pu en prendre 50g pour le tester.
Le vrac est plus simple, plus économique, et tout autre choix me semble de plus en plus absurde. J’ai plus assez de lessive, mais il m’en reste 20 cl au fond du contenant ? Je pèse, je fais la tare, je remplis la lessive. Et c’est fini.
On croule sous les objets inutiles.
Avec 18 m² et le zéro déchet, tu te demandes vite “Est-ce que j’ai vraiment besoin de ci ou ça ?”. Et la réponse est très souvent non. En plus des achats courants, j’ai profité de l’année pour voir les objets dont j’avais vraiment besoin, et ceux qui méritaient d’être donnés. Même en m’installant ultra léger, j’ai trouvé des trucs qui ne servent à rien et dont je veux me débarrasser.
Mon cas particulier a rendu ça plus simple.
Viande, poisson, œufs… Faut-il les mettre au compost ? J’en sais rien, j’en achète pas. Yaourt, viande végétale, tous ces trucs en plastique ne font pas non plus partie de mes achats courant, ça simplifie les choses. En fait, ma capacité sur-humaine à refuser (le 1er R des 5 R du zéro déchet) aide beaucoup.
Pourquoi j’ai arrêté
J’ai déménagé.
Chez ma copine. Avec les chats. Le compost. La poubelle à verre. Les compromis. Si j’ai pu faire aussi peu de déchets en un an, c’est aussi parce qu’il n’y avait personne pour contester mes choix ou en exprimer d’autres (aussi radicaux soient-ils). Et c’est pas le but.
L’objectif du zéro déchet, c’est pas de réduire son impact individuel dans son coin. Ça, on s’en fout. C’est de construire une société qui permette à tout le monde de choisir un mode de vie qui lui va globalement, sans gaspiller inutilement les ressources non renouvelables.
En testant de maximiser mes “petits gestes”, j’ai confirmé que beaucoup était déjà faisable, mais surtout que l’essentiel reste à faire. Parce que l’ambition, c’est bien de changer le mode de production en amont, pas de culpabiliser les individus en bout de chaîne en leur demandant des efforts délirants.
Si l’action individuelle est nécessaire, elle ne marche que s’il y a des équipements, des services et des lois qui lui permettent de s’ancrer. L’action individuelle, ça fait exemple, ça inspire, ça montre qu’il y a une demande, que c’est possible. Et c’est comme ça qu’on finit par faire changer l’infrastructure.
Mais globalement, j’aurais peut-être mieux fait de me rappeler de ce qu’on m’a dit au tout début de ma démarche zéro déchet, zéro gaspillage :
L’objectif, c’est d’avoir des millions de gens qui font mal du zéro déchet, pas d’en avoir des centaines qui font du zéro déchet parfaitement.
En plus, c’est le truc que je répète à tous les gens qui se lancent dans la démarche. Je dis toujours aux gens de pas culpabiliser, que c’est normal de pas être parfait. Et bien sûr c’est le truc que j’oublie pour moi.
Mais bon, c’était quand même fun d’aller aussi loin. Et vous auriez vu la tête de mon pote, quand en novembre je lui ait dit que j’avais pas vidé la poubelle depuis avril-mai.